Richelien, du gué à la centrale électrique
Le moulin de Richelien Blottie dans un méandre de la rivière Versoix, la centrale hydroélectrique de Richelien est bâtie sur un site qui exploite la force de la rivière depuis plus de 500 ans. La Versoix sinue depuis le pied du Jura, de Divonne où se situe sa source jusqu’au bourg de Versoix, où elle se jette dans le lac. Elle fut, de tous temps, un cours d’eau très exploité : scieries, papeteries et moulins s’échelonnaient le long de la rivière. Le lieu-dit « Richelien », où s’élève aujourd’hui la centrale électrique, fut d’abord un gué et un moulin. Les premières traces cadastrales qui attestent la présence du canal d’alimentation en eau du moulin, creusé à flanc de colline, datent de 1447. Il est cependant probable que l’exploitation de la rivière est plus ancienne encore. Au début du 19e siècle, le moulin de Richelien était un important établissement de la région, avec trois grandes roues qui actionnaient des meules de pierre. Il produisait 400 à 500 kg de farine par jour. En 1820, l’installation d’une quatrième roue a permis de faire fonctionner un pressoir à noix. A la fin du 19e siècle, les mutations technologiques vont faire disparaître le moulin de Richelien. Les performances des roues à aube ne sont plus à la hauteur et sont progressivement remplacées, dans tout le canton de Genève, par des turbines. Le moulin à céréales ne parvient pas à s’adapter et est désaffecté. De la meunerie à l’électricité Le lieu ne reste cependant pas inactif très longtemps. En 1888, un gros fondeur de cuivre de Genève, François Stuzmann, rachète les droits d’eau du moulin — la permissions d’exploiter la force de la rivière — dans le but de développer le premier réseau électrique de la région de Versoix. La petite centrale hydroélectrique qu’il construit alimente dès 1889 une dizaine de fermes des environs. Bâtie à l’amont des anciennes roues à aubes, elle exploite, comme le faisait le moulin désaffecté, le débit de la rivière et les 4 mètres de chute existant à l’époque. Le bâitment est transformé en habitation pour l’exploitant qui vit sur place. En 1892, Stuzmann agrandit son réseau et obtient une concession de 25 ans pour éclairer Versoix et sa région. L’arrivée de l’électricité est fêtée à Collex, ce qui donne lieu à un entrefilet dans le Journal de Genève du 24 septembre 1893 :« Edouard Stutzmann fils remercie le maire pour les éloges qui lui ont été adressés ainsi qu'à son père. Il (…) explique comment le paisible moulin de Richelien est devenu un centre de lumière qui répand ses rayons à Collex, Versoix et même d’ici peu à nos voisins de France. ». Quatre ans plus tard, l’entrepreneur décède brutalement. Le Service électrique de la Ville de Genève rachète la centrale puis en stoppe l’exploitation. Il faudra attendre 1918 pour qu’elle soit remise en activité. La centrale électrique Ce sont des minotiers de Sauverny, François Estier et son fils Jean, qui vont redonner vie à cette exploitation. Cherchant à diversifier leur activité en déclin, ils rachètent en 1918 l’installation de Richelien dans le but de relancer la production d’électricité. François Estier obtient une concession pour exploiter la totalité de l’eau de la rivière, de la frontière française à Versoix. Il voit grand : il voudrait construire un barrage à « La Vieille Bâtie », qui alimenterait une nouvelle centrale électrique, en aval de Richelien, au Petit St-Loup. Mais les artisans de Versoix, la papeterie, la chocolaterie, la scierie, redoutent la diminution du débit d’eau, dont leur activité a un besoin vital. Ils font opposition. Le Grand Conseil genevois, pour sa part, juge le projet « fantaisiste ». Le projet de barrage est enterré. En 1927, Jean Estier modernise la centrale de 1888 afin qu’elle fournisse l’électricité au nouveau moulin qu’il vient de construire à Versoix. Les murs du vieux canal d’amenée sont restaurés. La vieille turbine du 19e siècle est remplacée par un modèle plus performant, de type Francis, construit aux Ateliers de Vevey. Mise en service un an plus tard, la nouvelle centrale délivre une puissance de 75Kw. L’énergie produite à Richelien est acheminée par une ligne électrique privée jusqu’au moulin construit près de la gare de Versoix. En 1944, comme les Services industriels de Genève refusent de lui vendre davantage d’électricité pour alimenter le moulin de Versoix en pleine expansion, Jean Estier décide de fabriquer lui-même le courant dont il a besoin. Un deuxième groupe électrique est installé à côté du premier. Avec une deuxième turbine Francis, fabriquée aux Ateliers des Charmilles et à un alternateur Oerlikon, la production d’électricité atteint 160 kW. Ces deux installations, la turbine de 1928 et celle de 1945 fonctionnent encore aujourd’hui. Certification écologique La concession grâce à laquelle Jean Estier peut exploiter la force de l’eau de la Versoix est renouvelée en 2001. Mais comme la protection de l’environnement, de la faune et de la flore sont devenus des sujets de première importance, les autorités genevoises n’accordent le renouvellement de la concession que sous condition. La centrale de Richelien fait élaborer et construire alors une nouvelle passe à poissons, l’ancienne étant considérée comme inefficace. Elle s’engage à contrôler en continu — via des capteurs placés dans la rivière — le débit d’eau déviée dans le canal d’amenée afin de garantir la protection de la faune piscicole. La centrale construit également premier système de dévalaison — familièrement surnommé le toboggan à poissons — pour permettre aux truites éventuellement désorientées au niveau du dégrilleur de rejoindre le lit-mère de la rivière. Ces travaux engagés pour le renouvellement de la concession permettent à la Centrale de Richelien d’obtenir la certification environnementale Natura +, qui atteste dorénavant que le courant produit est totalement écologique. [Suite > Exploitation et environnement]
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